Chauffage par la biomasse : des attentes et des projets
La biomasse peut offrir des réponses aux besoins d'énergie durable et économique. Après le bois, les espoirs se tournent aujourd'hui vers d'autres biomatériaux, comme le miscanthus, les résidus agricoles ou les déchets verts.
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Sous serre chauffée, l'énergie représente 20 à 25 % des charges de production en maraîchage, cette part varie en horticulture ornementale selon les cultures. Pour faire face aux hausses des prix du pétrole, les entreprises ont mis en place des solutions d'économie (abaissement des températures de consigne, écran thermique, ordinateur climatique...) et/ou de nouveaux procédés de chauffage. La conversion vers la biomasse combustible a débuté avec le bois, simultanément au développement d'autres technologies (cogénération, pompe à chaleur, photovoltaïque, méthanisation, géothermie...). L'approvisionnement en bois devenant plus difficile avec notamment la compétition d'autres filières de valorisation, le recours à d'autres sources de biomasse suscite un intérêt croissant.
1. DES MATIÈRES BRUTES AUX GRANULÉS
Le chauffage par la biomasse a ses atouts et ses inconvénients (*), parmi lesquels le volume nécessaire au stockage. Ce volume dépend de la densité du combustible, de la consommation de chaleur journalière et du stock tampon souhaité. Des matériaux bruts comme les plaquettes de bois, les pailles de céréales ou de Miscanthus (**) nécessitent des volumes importants. À capacité énergétique égale, les pellets sont cinq fois moins volumineux que les plaquettes de bois. Ils permettent d'optimiser le transport et le stockage, facilitent la logistique (camion souffleur, alimentation automatique de la chaudière) tout en offrant un rendement énergétique élevé. Le pouvoir calorifique d'un litre de fioul correspond à celui de 2,5 à 3 kg de biomasse sous forme de pellets ou de pailles à 85 % de taux de matière sèche, et à environ 6 kg de plaquettes de bois généralement plus humide. Manufacturés, les granulés sont toutefois en moyenne deux à quatre fois plus chers que les matériaux bruts. Des normes - il en existe cinq en Europe - fixent des exigences d'information sur la qualité des granulés : granulométrie, humidité, teneur en cendres, pouvoir calorifique inférieur (PCI), teneur en certains éléments minéraux (chlore, azote, soufre, arsenic, cadmium...)... Des équipements permettent au producteur de fabriquer ses propres granulés de biomasse (voir encadré), et de limiter ainsi les coûts tout en favorisant une certaine autosuffisance énergétique.
Le choix de la biomasse dépend de sa disponibilité sur le long terme, de la proximité de son approvisionnement, de sa densité en kg/m3, de son pouvoir calorifique (qui diminue quand le taux d'humidité croît) et de son coût (qui doit être stable dans le temps). Globalement, les granulés de bois sont une fois et demie moins chers (en €/kWh) que le fioul, deux fois et demie moins chers que le gaz propane et les agropellets (à base de résidus agricoles) de deux à trois fois moins chers que le fioul. En autoproduction, le miscanthus reviendrait seulement à 0,017 €/kWh, selon Didier Fertil, de Miscanthus Green Power (71), soit cinq fois moins cher que le fioul. Le coût d'un système et son efficacité économique ne peuvent être déterminés qu'à partir d'une analyse approfondie menée au cas par cas (chauffage et distribution de chaleur en place, biomasse choisie, capacité de stockage, automatisation, maintenance...).
2. BIOMASSE AGRICOLE : DES PRÉCAUTIONS D'EMPLOI.
Le choix d'un combustible nécessite d'utiliser des appareils spécialement conçus et ajustés à ce combustible. La biomasse peut contenir des composés chimiques (phosphore, potassium, silice...) conduisant à l'émission de composés nocifs dans les fumées (NOx, particules fines) et à des cendres chimiquement actives. La plupart des biomasses d'origine agricole produisent des cendres à température de fusion plus faible que celle des matériaux ligneux. Ces caractéristiques peuvent provoquer une vitrification, une formation de mâchefer et une corrosion dans les chaudières.
« Les chaudières à bois ne peuvent brûler efficacement que du bois dont la teneur en éléments minéraux, en particulier en silicates, est faible », explique Philippe Rivoire, de PHR Conseil (26). « Les chaudières à biomasse, encore appelées polycombustibles ou à agromatériaux, sont conçues pour brûler toute la palette des végétaux, graines de céréales, oléagineux, protéagineux, tourteaux, déchets de tri, menues pailles, coques de noix, noyaux de fruits, c'est-à-dire tous les coproduits de l'agriculture ou des industries agro-alimentaires, et bien sûr le bois. Ces chaudières polycombustibles se distinguent par la conception de leur corps de chauffe. Le foyer est refroidi par l'eau de retour du circuit de distribution d'eau chaude. La combustion secondaire est favorisée par la longueur des voussoirs de béton réfractaire. Le rendement est accru par la longueur des tubes de l'échangeur. Le décendrage du foyer est entièrement automatisé. Ce type de chaudières polycombustibles a été mis au point en Europe centrale ou en Scandinavie il y a plusieurs décennies ; dans ces régions, il en existe des milliers d'exemplaires en fonctionnement. Les industriels fabricants de chaudières polycombustibles disposant d'une gamme de machines d'une puissance de 50 à 1 000 kW et plus sont peu nombreux (Ökotherm en Allemagne, Reka au Danemark...). »
3. VALORISER LES COPRODUITS DE L'AGRICULTURE...
Agronergy (75), présenté à l'occasion d'une journée technique du Ratho (69) en juillet dernier, propose un concept tout-en-un de chauffage aux agropellets (***), issus des coproduits de l'agriculture (poussières de céréales, rafle de maïs, déchets de betterave...). L'entreprise travaille avec la technologie brevetée « Calys » développée par Ragt Energie, actionnaire d'Agronergy et fournisseur de granulés. Elle permet de fabriquer des agropellets en fonction des ressources disponibles localement et avec l'ajout d'un additif minéral. La start-up prend en charge l'étude d'intérêt et la conception de la chaufferie, la construction, l'installation, l'investissement, l'approvisionnement en agrogranulés. Agronergy reste propriétaire de la chaufferie et s'occupe de sa maintenance. Son client lui achète les MWh qu'il consomme ; il paie une redevance variable (en euros/MWh), ainsi qu'une redevance fixe annuelle. « Ainsi, le producteur n'a pas d'investissement à réaliser, et bénéficie d'une haute performance énergétique, économique, écologique, avec une prise en main technique. L'idée étant qu'il n'ait à gérer que les cendres. » Selon Agronergy, l'économie peut atteindre 20 % comparée au coût d'une installation au propane, et plus de 30 % en projection sur dix ans. Le producteur peut aussi choisir d'investir dans la chaufferie, auquel cas son économie s'accroît. Selon Agronergy, le prix des agropellets (indexé uniquement sur la main-d'oeuvre, le transport et la maintenance) augmentera deux fois moins vite que celui des énergies fossiles.
Depuis le printemps 2014, la station expérimentale Ratho teste une chaudière biomasse de 110 kW alimentée aux agropellets et en étudie la maintenance, ainsi que la valorisation des cendres.
4. ...ET VALORISER ÉGALEMENT LES DÉCHETS VERTS
Le 15 janvier dernier, à l'occasion du Sival, était présentée l'avancée des travaux d'un projet de recherche et développement subventionné par l'Ademe, nommé Sereco. Regroupant cinq partenaires de la région nantaise (voir encadré), ce projet vise à trouver une solution novatrice pour chauffer les serres maraîchères économiquement, écologiquement et durablement, avec des combustibles élaborés à partir de déchets verts d'origine locale (voir encadré), complétés de sous-produits agricoles (pailles de blé, sarments de vigne...) destinés à augmenter la qualité du combustible. En France, près de 100 kg de déchets verts sont générés par habitant chaque année, ce qui représente un important gisement d'énergie. Toutefois, les déchets verts bruts sont peu valorisables en l'état du fait de leur hétérogénéité, de leur important taux d'humidité (55 % en moyenne à réception), de leur faible pouvoir calorifique (PC, quantité d'énergie dégagée par la combustion complète du combustible, 4,3 MJ/kg en brut), du taux de cendre très élevé (35 % en moyenne à 550 °C) et de leur densité faible (125 kg/m3). Le process mis au point dans le cadre du projet permet d'aboutir à des granulés combustibles intéressants (Zetapellet®) : homogènes, 10 % d'humidité, 15 MJ/kg de PC, 5 % de cendres, densité de 650 kg/m3. Le procédé consiste à broyer les matières végétales, les cribler pour en extraire la fraction ligneuse, puis les soumettre au procédé de granulation breveté Zeta (frottement mécanique qui granule et sèche simultanément le végétal). L'entreprise antiboise Zeta (06) a engagé dès 2013 des partenariats avec les collectivités pour transformer leurs déchets verts en granulés de chauffage (****). « Les pellets sont environ 50 % moins chers que le fioul », affirme-t-elle.
Le projet Serreco doit encore optimiser le process de granulation (conception d'une presse à granulés innovante à faible besoin énergétique grâce à la récupération de la chaleur fatale du procédé) et analyser la pertinence technico-économique et environnementale de cette filière de valorisation énergétique.
Valérie Vidril
Les pellets sont plus denses que les matières brutes, mais plus chers. Ici, agropellets d'Agronergy, à base de résidus agricoles ligneux, fabriqués selon la technologie Calys (Ragt Energie). PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
Unité de granulation présentée par l'entreprise Cogexyl Energy (Le Monteil, 43). PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
Cette chaudière Ökotherm à agromatériaux fonctionne avec de la paille, du Miscanthus ou du bois. PHOTO : MISCANTHUS GREEN POWER
La chaufferie biomasse peut être organisée sous une forme modulaire mobile, dans un conteneur, comme ici au Ratho (69). PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
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